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L’influence des émotions sur la prise de décision

Par Yasmine Boumenir

04 décembre 2022 - mis à jour le 08 décembre 2022 • 6min

Ceci est une version synthétisée de l’article d’origine. Pour lire la version complète de l’article, cliquez ici.

Je m’appelle Emotion et j’ai été pendant longtemps séparée de la famille Cognition qui désigne l’ensemble des processus de traitement de l’information, tels que la perception, la motricité, la mémoire, le raisonnement et la prise de décision, etc. Ce n’est que depuis Charles Darwin (1872), que les scientifiques m’accordent un peu plus d’attention, une fonction cognitive que pourtant j’oriente en cas de tension, et je fais enfin partie de l’équation. Dans son ouvrage « L’expression des émotions chez l’Homme et les animaux » Darwin défend l’intérêt des expressions du visage et du corps dans la survie de l’espèce humaine. Aussi, les expressions engendrées par les six principaux états émotionnels : la joie, la surprise, la peur, le dégoût, la colère et la tristesse, pouvaient être lues par tout le monde et étaient universelles.

Contagieuse, véhiculée par les expressions que j’induis et l’environnement dans lequel je me trouve, mon caractère social me permet de m’adapter à la situation. Sartre, me définit comme un acte authentique de la conscience. Il dit également : « Dans l’émotion, c’est le corps qui, dirigé par la conscience, change ses rapports au monde pour que le monde change ses qualités ».

J’apporte de la couleur au monde intérieur individuel mais aussi à celui qui nous entoure en indiquant où regarder, ce qu’il faut retenir, ce à quoi penser et ce qu’il faut faire ensuite.

Qui suis-je et combien y a-t-il de « couleurs » dans mon arc ?

Qu’est-ce qu’une émotion ?

Mon nom prend origine du mot latin motio = mouvement, e = qui vient de. Du fait des changements corporels que j’occasionne, je rends l’imperceptible perceptible via une réaction biologique spontanée (i.e. augmentation du rythme cardiaque, transpiration, tremblement, excitation, etc.), en réponse à un stimulus externe et invite à la mise en mouvement. Par exemple, l’état émotionnel Peur permet de réagir face au danger, le dégoût de se prémunir contre une intoxication, la joie d’augmenter le bien-être et de préserver la santé.

En somme, je donne une étiquette aux jugements et priorise les intentions. Il semblerait que je n’aie pas besoin d’être consciemment ressentie pour influencer les décisions (Winkielman et al., 2005). Je possède une fonction évaluative et témoigne de la capacité des espèces à s’adapter à leur environnement grâce à leur mise en action. Je joue un rôle essentiel dans le comportement et mes effets varient selon les personnes et les situations.

La prise de décision ?

Dans son livre « La décision » Alain Berthoz Ingénieur et neurophysiologiste s’interrogeait : «et si la décision n’était pas raison mais action ? Et si ce que nous appelons aujourd’hui les décideurs ” étaient avant tout des ” hommes d’actions ” ?

Tous les êtres humains voyagent avec un bagage qui diffère en couleur selon son origine et son âge, mais renferme les mêmes organes de base dont les fonctions évoluent, s’adaptent selon l’usage. La perception, l’attention, le raisonnement, la motivation, l’émotion, la mémoire, la prise de décision, toutes sont les fonctions qui viennent absorber, sélectionner, analyser, prédire et choisir l’information nécessaire à la mise en action cohérente de ce bagage. Il semble que l’émotion exerce une influence sur la prise de décision et est un moteur pour le passage ou non à l’action ; la peur en est l’exemple. En effet, en cas de danger, l’individu ou l’animal peut décider de fuir ou de s’immobiliser. La prise de décision étant définie comme un processus cognitif qui permet de sélectionner une action parmi un ensemble d’alternatives.

L’influence des émotions sur la prise de décision

Par Yasmine Boumenir

04 décembre 2022 - mis à jour le 08 décembre 2022 • 6min

Ceci est une version synthétisée de l’article d’origine. Pour lire la version complète de l’article, cliquez ici.

Je m’appelle Emotion et j’ai été pendant longtemps séparée de la famille Cognition qui désigne l’ensemble des processus de traitement de l’information, tels que la perception, la motricité, la mémoire, le raisonnement et la prise de décision, etc. Ce n’est que depuis Charles Darwin (1872), que les scientifiques m’accordent un peu plus d’attention, une fonction cognitive que pourtant j’oriente en cas de tension, et je fais enfin partie de l’équation. Dans son ouvrage « L’expression des émotions chez l’Homme et les animaux » Darwin défend l’intérêt des expressions du visage et du corps dans la survie de l’espèce humaine. Aussi, les expressions engendrées par les six principaux états émotionnels : la joie, la surprise, la peur, le dégoût, la colère et la tristesse, pouvaient être lues par tout le monde et étaient universelles.

Contagieuse, véhiculée par les expressions que j’induis et l’environnement dans lequel je me trouve, mon caractère social me permet de m’adapter à la situation. Sartre, me définit comme un acte authentique de la conscience. Il dit également : « Dans l’émotion, c’est le corps qui, dirigé par la conscience, change ses rapports au monde pour que le monde change ses qualités ».

J’apporte de la couleur au monde intérieur individuel mais aussi à celui qui nous entoure en indiquant où regarder, ce qu’il faut retenir, ce à quoi penser et ce qu’il faut faire ensuite.

Qui suis-je et combien y a-t-il de « couleurs » dans mon arc ?

Qu’est-ce qu’une émotion ?

Mon nom prend origine du mot latin motio = mouvement, e = qui vient de. Du fait des changements corporels que j’occasionne, je rends l’imperceptible perceptible via une réaction biologique spontanée (i.e. augmentation du rythme cardiaque, transpiration, tremblement, excitation, etc.), en réponse à un stimulus externe et invite à la mise en mouvement. Par exemple, l’état émotionnel Peur permet de réagir face au danger, le dégoût de se prémunir contre une intoxication, la joie d’augmenter le bien-être et de préserver la santé.

En somme, je donne une étiquette aux jugements et priorise les intentions. Il semblerait que je n’aie pas besoin d’être consciemment ressentie pour influencer les décisions (Winkielman et al., 2005). Je possède une fonction évaluative et témoigne de la capacité des espèces à s’adapter à leur environnement grâce à leur mise en action. Je joue un rôle essentiel dans le comportement et mes effets varient selon les personnes et les situations.

La prise de décision ?

Dans son livre « La décision » Alain Berthoz Ingénieur et neurophysiologiste s’interrogeait : «et si la décision n’était pas raison mais action ? Et si ce que nous appelons aujourd’hui les décideurs ” étaient avant tout des ” hommes d’actions ” ?

Tous les êtres humains voyagent avec un bagage qui diffère en couleur selon son origine et son âge, mais renferme les mêmes organes de base dont les fonctions évoluent, s’adaptent selon l’usage. La perception, l’attention, le raisonnement, la motivation, l’émotion, la mémoire, la prise de décision, toutes sont les fonctions qui viennent absorber, sélectionner, analyser, prédire et choisir l’information nécessaire à la mise en action cohérente de ce bagage. Il semble que l’émotion exerce une influence sur la prise de décision et est un moteur pour le passage ou non à l’action ; la peur en est l’exemple. En effet, en cas de danger, l’individu ou l’animal peut décider de fuir ou de s’immobiliser. La prise de décision étant définie comme un processus cognitif qui permet de sélectionner une action parmi un ensemble d’alternatives.

Influence des émotions sur les processus de prise de décision


Il semblerait que je sois (Emotion) un puissant incitateur et préparateur à l’action. Je peux être un puissant outil de prise de décision car je permets une prédiction de l’action en anticipant et projetant les intentions. J’aide les organismes à prendre des « décisions » critiques pour leur survie et pour leur reproduction.


Plusieurs études citées dans le livre Émotion et Cognition de Patrick Lemaire (2021) ont rapporté l’impact des états émotionnels sur la prise de décision, soit en l’améliorant, soit en la dégradant. En effet, si l’émotion induite ou inconsciente est pertinente pour le raisonnement à effectuer, elle permet d’activer les mécanismes impliqués dans la tâche et de les exécuter correctement. Cependant, quand l’émotion perturbe la tâche, elle empêche la mobilisation efficace des mécanismes nécessaires à l’exécution de la tâche. Blanchette et al. (2014) a montré que la performance réalisée lors de l’exécution d’une tâche cognitive type raisonnement portant sur des énoncés conditionnels « si tu as faim, alors tu vas manger. Tu as faim. Donc tu vas manger » était améliorée grâce au contenu émotionnel pertinent qui lui a été associé (par exemple, une image avec une personne qui mange).


De même, dans une tâche de jugement une étape cruciale pour la prise de décision, les émotions peuvent amener à surestimer ou surévaluer la probabilité de certains évènements. Ce biais d’estimation peut être amplifié ou amoindri s’il concerne des événements ayant eux même une valence émotionnelle qui peut être liée ou non à l’état émotionnel dans lequel se trouve l’individu qui émet un jugement. En effet, lorsque vous vous trouvez dans un état émotionnel négatif, vous avez tendance à surestimer la probabilité d’un événement négatif. Vous le savez déjà, vous avez certainement testé cet effet de votre état d’humeur sur vos jugements et votre perception de vous-même. Je vous invite à consulter l’article de Sabrina à cet effet. Plusieurs études ont montré l’impact positif de l’écriture notamment des événements positifs sur l’augmentation du niveau d’intelligence émotionnelle et la satisfaction de vie.


J’aime bien cette phrase de François Richer « lorsque la pensée évoquée par l’émotion est elle-même source d’émotion, une boucle est créée entre la pensée et l’émotion qui entretien l’émotion ». Dans ma famille, la joie semble être la plus convoitée et celle que l’on veut garder à plus long terme car en sa présence les prises de décisions sont moins risquées. En utilisant le principe de jeu type casino, et en comparaison avec la condition émotion neutre, les sujets dont l’émotion positive a été induite en amont (on leur avait offert un sac de bonbon à l’arrivée) avaient tendance à prendre moins de risque si la probabilité de gagner n’était pas grande. Selon les auteurs, l’objectif des participants en condition émotion positive était de maintenir cet état.

Conclusion

Les émotions affectent positivement ou négativement nos performances cognitives dans des tâches de jugement, raisonnement et prises de décision. Sous émotions, nos biais d’estimations peuvent nous conduire à surestimer ou au contraire à sous-estimer la probabilité de certains évènements conduisant ainsi i) à de piètres ou de meilleures performances en termes de raisonnement, ii) à prendre des décisions qui sont parfois au mieux de nos intérêts et parfois contraires à nos intérêts (Lemaire, 2021).

Ainsi, nous prenons des décisions risquées quand nous sommes tristes et moins risquées quand nous sommes heureux ou anxieux. La colère quant à elle semble inhiber la prise de décision éthique et la création de sens. A contrario, la peur semble donner lieu à des décisions éthiques par rapport à la colère et à l’absence d’émotions. Le dégoût comme la tristesse sont des états émotionnels qui semblent rejeter les propositions injustes. La régulation des émotions avait semble-il considérablement diminué les effets négatifs de la colère sur la création de sens et les décisions éthiques.

En somme, les émotions peuvent avoir un effet délétère sur les performances cognitives type prise de décision, s’il n’y a pas de concordance entre ces trois éléments i) le contenu sémantique, ii) le ressenti affectif, iii) l’historique affectif (la familiarité de l’individu avec le ressenti affectif). Par ailleurs, trop de joie ou peu d’émotion négative met les personnes dans un état inflexible face à des nouveaux défis.

Comment prendre des décisions sans nous laisser gagner par trop d’émotions ?

Que pensez-vous de la possibilité de leur régulation ?

Exercices de régulation des émotions

L’émotion survient lorsque nous nous trouvons face à un stimulus que nous évaluons pour son caractère agréable ou désagréable, dangereux. Dans son livre Emotion et Cognition, Patrick Lemaire évoque plusieurs stratégies de régulation émotionnelle que je résume ici :

  • Choisir ou éviter la situation source d’émotion (Faire une balade en forêt ou sortir à des moments décalés pour éviter le voisin qui râle tout le temps)
  • Modifier une situation dans laquelle vous vous trouvez et qui active en vous une émotion (Raconter une blague quand l’ambiance est ennuyeuse)
  • Allouer une attention moindre au stimulus qui active en vous une émotion en jouant la carte de distraction attentionnelle (détourner son attention du stimulus qui fait par exemple peur en penchant à quelque chose d’émotionnellement neutre)
  • Réaliser un traitement cognitif ou une réévaluation cognitive de la situation et de l’émotion ressentie. Elle permet de réinterpréter ou réévaluer la signification de la situation. Accepter la situation et l’émotion qui va avec, comme pour un deuil, est un exemple de stratégie de réévaluation cognitive. Se rendre compte que la colère de quelqu’un n’est pas la nôtre en est un autre.
  • La réponse ou l’expression de l’émotion appelée « la suppression expressive ». Elle consiste à infléchir l’expression d’une réponse (comportementale, physiologique) émotionnelle déjà engagée
 

J’utilise personnellement la stratégie de l’image mentale où je représente à l’aide de mon imagination une autre façon de percevoir le stimulus. Pour vaincre ma peur de l’avion, je propulse mes jambes depuis mon siège jusqu’au sol de la piste de décollage. Ceux-ci s’allongent au fur et à mesure que l’avion prend de la hauteur. Ainsi, tout en gardant cette image de pieds au sol qui avancent pour explorer ce qu’il y a au-dessus des nuages, je remplace dans mon imaginaire l’action de voler par l’action de marcher.

La perspective que Majda propose dans son article est très intéressante et constitue également une stratégie de régulation émotionnelle à considérer fortement. Des études récentes montrent l’effet de l’art thérapie sur la réduction des symptômes de l’anxiété, l’augmentation de la qualité de vie subjective et l’amélioration des stratégies de régulation des émotions. Les effets du traitement ont perduré après 3 mois de suivi (Abbing et al, 2019). Je vous invite également à lire l’article rédigé par Lamia la façon de réguler les émotions.

Et si au lieu de réprimer vos émotions, une stratégie qui semble entrainer une baisse des performances cognitives mnésiques, vous reconsidérez la façon de les traiter en utilisant les stratégies de régulation les plus adaptées à la situation.

La nature change de couleurs au fil des saisons et cela a bien une raison.
Références
  • Abbing, A., Baars, E. W., de Sonneville, L., Ponstein, A. S. and Swaab, H. (2019). The Effectiveness of Art Therapy for Anxiety in Adult Women: A Randomized Controlled Trial. Front. Psychol. 10:1203. doi: 10.3389/fpsyg.2019.01203
  • Cowen, A.S., Prasad, G., Tanaka, M., Kamitani, Y., Kirilyuk, V.D., Somandepalli, K., Jou, B., Schroff, F., Hartwig, A., Brooks, J.A., & Keltner, D. (2021). How emotion is experienced and expressed in multiple cultures: a large-scale experiment. https://doi.org/10.31234/osf.io/gbqtc
  • Lemaire, P. (2021). Émotion et cognition. De Boeck Supérieur.
  • Winkielman, P., Berridge, K. C. & Wilbarger, J. L. (2005) Unconscious affective reactions to masked Happy Versus angry faces influence consumption behavior and judgment of value. Personality and social psychology bulletin, 31(1), 121-135.
  • Writing Can Help Us Heal from Trauma (hbr.org)
  • Approaches to research in art therapy – ScienceDirect
Influence des émotions sur les processus de prise de décision


Il semblerait que je sois (Emotion) un puissant incitateur et préparateur à l’action. Je peux être un puissant outil de prise de décision car je permets une prédiction de l’action en anticipant et projetant les intentions. J’aide les organismes à prendre des « décisions » critiques pour leur survie et pour leur reproduction.


Plusieurs études citées dans Lemaire (2021) ont rapporté l’impact des états émotionnels sur la prise de décision, soit en l’améliorant, soit en la dégradant. En effet, si l’émotion induite ou inconsciente est pertinente pour le raisonnement à effectuer, elle permet d’activer les mécanismes impliqués dans la tâche et de les exécuter correctement. Cependant, quand l’émotion perturbe la tâche, elle empêche la mobilisation efficace des mécanismes nécessaires à l’exécution de la tâche. Blanchette et al. (2014) a montré que la performance réalisée lors de l’exécution d’une tâche cognitive type raisonnement portant sur des énoncés conditionnels « si tu as faim, alors tu vas manger. Tu as faim. Donc tu vas manger » était améliorée grâce au contenu émotionnel pertinent qui lui a été associé (par exemple, une image avec une personne qui mange).


De même, dans une tâche de jugement une étape cruciale pour la prise de décision, les émotions peuvent amener à surestimer ou surévaluer la probabilité de certains évènements. Ce biais d’estimation peut être amplifié ou amoindri s’il concerne des événements ayant eux même une valence émotionnelle qui peut être liée ou non à l’état émotionnel dans lequel se trouve l’individu qui émet un jugement. En effet, lorsque vous vous trouvez dans un état émotionnel négatif, vous avez tendance à surestimer la probabilité d’un événement négatif. Vous le savez déjà, vous avez certainement testé cet effet de votre état d’humeur sur vos jugements et votre perception de vous-même. Je vous invite à consulter l’article de Sabrina à cet effet. Plusieurs études ont montré l’impact positif de l’écriture notamment des événements positifs sur l’augmentation du niveau d’intelligence émotionnelle et la satisfaction de vie.


J’aime bien cette phrase de François Richer « lorsque la pensée évoquée par l’émotion est elle-même source d’émotion, une boucle est créée entre la pensée et l’émotion qui entretien l’émotion ». Dans ma famille, la joie semble être la plus convoitée et celle que l’on veut garder à plus long terme car en sa présence les prises de décisions sont moins risquées. En utilisant le principe de jeu type casino, et en comparaison avec la condition émotion neutre, les sujets dont l’émotion positive a été induite en amont (on leur avait offert un sac de bonbon à l’arrivée) avaient tendance à prendre moins de risque si la probabilité de gagner n’était pas grande. Selon les auteurs, l’objectif des participants en condition émotion positive était de maintenir cet état.

Conclusion

Les émotions affectent positivement ou négativement nos performances cognitives dans des tâches de jugement, raisonnement et prises de décision. Sous émotions, nos biais d’estimations peuvent nous conduire à surestimer ou au contraire à sous-estimer la probabilité de certains évènements conduisant ainsi i) à de piètres ou de meilleures performances en termes de raisonnement, ii) à prendre des décisions qui sont parfois au mieux de nos intérêts et parfois contraires à nos intérêts (Lemaire, 2021).

Ainsi, nous prenons des décisions risquées quand nous sommes tristes et moins risquées quand nous sommes heureux ou anxieux. La colère quant à elle semble inhiber la prise de décision éthique et la création de sens. A contrario, la peur semble donner lieu à des décisions éthiques par rapport à la colère et à l’absence d’émotions. Le dégoût comme la tristesse sont des états émotionnels qui semblent rejeter les propositions injustes. La régulation des émotions avait semble-il considérablement diminué les effets négatifs de la colère sur la création de sens et les décisions éthiques.

En somme, les émotions peuvent avoir un effet délétère sur les performances cognitives type prise de décision, s’il n’y a pas de concordance entre ces trois éléments i) le contenu sémantique, ii) le ressenti affectif, iii) l’historique affectif (la familiarité de l’individu avec le ressenti affectif). Par ailleurs, trop de joie ou peu d’émotion négative met les personnes dans un état inflexible face à des nouveaux défis.

Comment prendre des décisions sans nous laisser gagner par trop d’émotions ?

Que pensez-vous de la possibilité de leur régulation ?

Exercices de régulation des émotions

L’émotion survient lorsque nous nous trouvons face à un stimulus que nous évaluons pour son caractère agréable ou désagréable, dangereux. Dans son livre Emotion et Cognition, Patrick Lemaire évoque plusieurs stratégies de régulation émotionnelle que je résume ici :

  • Choisir ou éviter la situation source d’émotion (Faire une balade en forêt ou sortir à des moments décalés pour éviter le voisin qui râle tout le temps)
  • Modifier une situation dans laquelle vous vous trouvez et qui active en vous une émotion (Raconter une blague quand l’ambiance est ennuyeuse)
  • Allouer une attention moindre au stimulus qui active en vous une émotion en jouant la carte de distraction attentionnelle (détourner son attention du stimulus qui fait par exemple peur en penchant à quelque chose d’émotionnellement neutre)
  • Réaliser un traitement cognitif ou une réévaluation cognitive de la situation et de l’émotion ressentie. Elle permet de réinterpréter ou réévaluer la signification de la situation. Accepter la situation et l’émotion qui va avec, comme pour un deuil, est un exemple de stratégie de réévaluation cognitive. Se rendre compte que la colère de quelqu’un n’est pas la nôtre en est un autre.
  • La réponse ou l’expression de l’émotion appelée « la suppression expressive ». Elle consiste à infléchir l’expression d’une réponse (comportementale, physiologique) émotionnelle déjà engagée
 

J’utilise personnellement la stratégie de l’image mentale où je représente à l’aide de mon imagination une autre façon de percevoir le stimulus. Pour vaincre ma peur de l’avion, je propulse mes jambes depuis mon siège jusqu’au sol de la piste de décollage. Ceux-ci s’allongent au fur et à mesure que l’avion prend de la hauteur. Ainsi, tout en gardant cette image de pieds au sol qui avancent pour explorer ce qu’il y a au-dessus des nuages, je remplace dans mon imaginaire l’action de voler par l’action de marcher.

La perspective que Majda propose dans son article est très intéressante et constitue également une stratégie de régulation émotionnelle à considérer fortement. Des études récentes montrent l’effet de l’art thérapie sur la réduction des symptômes de l’anxiété, l’augmentation de la qualité de vie subjective et l’amélioration des stratégies de régulation des émotions. Les effets du traitement ont perduré après 3 mois de suivi (Abbing et al, 2019). Je vous invite également à lire l’article rédigé par Lamia la façon de réguler les émotions.

Et si au lieu de réprimer vos émotions, une stratégie qui semble entrainer une baisse des performances cognitives mnésiques, vous reconsidérez la façon de les traiter en utilisant les stratégies de régulation les plus adaptées à la situation.

La nature change de couleurs au fil des saisons et cela a bien une raison.
Références
  • Abbing, A., Baars, E. W., de Sonneville, L., Ponstein, A. S. and Swaab, H. (2019). The Effectiveness of Art Therapy for Anxiety in Adult Women: A Randomized Controlled Trial. Front. Psychol. 10:1203. doi: 10.3389/fpsyg.2019.01203
  • Cowen, A.S., Prasad, G., Tanaka, M., Kamitani, Y., Kirilyuk, V.D., Somandepalli, K., Jou, B., Schroff, F., Hartwig, A., Brooks, J.A., & Keltner, D. (2021). How emotion is experienced and expressed in multiple cultures: a large-scale experiment. https://doi.org/10.31234/osf.io/gbqtc
  • Lemaire, P. (2021). Émotion et cognition. De Boeck Supérieur.
  • Winkielman, P., Berridge, K. C. & Wilbarger, J. L. (2005) Unconscious affective reactions to masked Happy Versus angry faces influence consumption behavior and judgment of value. Personality and social psychology bulletin, 31(1), 121-135.
  • Writing Can Help Us Heal from Trauma (hbr.org)
  • Approaches to research in art therapy – ScienceDirect

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À propos de Yasmine

Je m’appelle cette fois-ci, non sérieusement, depuis toujours : Yasmine.

Je suis docteur en sciences cognitives mais aussi titulaire de deux Masters, en génétique et en neurosciences. J’ai conduit plusieurs projets de recherche allant de i) l’étude des performances et du traitement multisensoriel de l’information spatiale via l’usage d’environnements de réalité virtuelle vs réels à ii) l’étude de l’impact des environnements d’apprentissage sur la motivation, la créativité, la collaboration des étudiants ingénieurs. Dans le domaine de l’éducation, j’ai i) conçu et piloté une formation en innovation en utilisant les bases des sciences cognitives en termes de méthodes d’apprentissage et de motivation & ii) accompagné les élèves ingénieurs dans la réalisation de leur projet professionnel.

Je soutiens fortement l’interdisciplinarité qui est pour moi la clé de la compréhension.

Je remercie Lamia de cette opportunité de croiser les regards.

Vous pouvez me contacter via mon compte LinkedIn.

Une réponse

  1. Passionnant et d’une grande pédagogie. Merci. À la question “Qui suis-je et combien y a-t-il de « couleurs » dans mon arc ?” l’outil Arc-En-Ciel DISC répond avec d’autant plus de finesse qu’il a parmi ses concepteurs William Marston auteur de Emotions of Normal People 🙂

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